
Dans l’épisode 4, j’avais déjà abordé la réélection de Donald Trump ainsi que la montée spectaculaire du conservatisme. Quatre mois plus tard, où en sommes-nous ?
Il est difficile de croire que seulement 123 jours se sont écoulés depuis le retour de Trump à la tête des États-Unis, tant les frasques et les bouleversements se sont enchaînés. On pourrait croire qu’une année entière est passée, tant les rebondissements, dignes d’un scénario de Game of Thrones, se succèdent sans relâche. Entre les tensions géopolitiques exacerbées à coups de tweets, les tarifs douaniers brandis comme des armes économiques, ou encore son éternel slogan « Make America Great Again« , Trump semble déterminé à remodeler le monde à son image.
Ce slogan, martelé depuis 2016, est devenu un cri de ralliement pour ses partisans, jusqu’à prendre l’allure d’un mantra quasi-religieux. Un culte de la personnalité s’est installé, déchaînant les passions et levant les tabous qui cimentaient encore la vie en société. Aujourd’hui, on assiste à une libération inquiétante de la parole raciste, à une misogynie décomplexée et à une recrudescence des violences envers les minorités.
Depuis son investiture, le président américain n’a cessé d’aliéner ses alliés traditionnels : du Canada à l’Union européenne, en passant par la Corée du Sud. Il a multiplié les propos hostiles, allant jusqu’à désigner le Canada comme un « 51e État » potentiel des États-Unis. Dans sa vision, le dialogue diplomatique a cédé la place aux menaces économiques, à l’intimidation, et à la provocation permanente — le tout, au nom d’un prétendu retour à la grandeur américaine.
Ironie du sort : c’est peut-être cette stratégie chaotique qui précipite la fin de l’empire américain. Alors même que la Chine monte en puissance, j’aurais difficilement imaginé que le principal acteur de la chute des États-Unis serait leur propre gouvernement. Une chute qui réjouira certains, en attristera d’autres(moins nombeux), mais qui nous confronte tous à un tournant historique. C’est avec une certaine joie mêlée d’appréhension que je regarde s’ouvrir les portes d’un « nouveau monde ». Un monde où les pays du Sud global pourraient, enfin, saisir leur chance.
La Chine, elle, l’a bien compris. Elle avance ses pions avec méthode, stratégie, et patience.
L’empire américain se désagrège sous nos yeux. Certes, le désengagement des États-Unis de certaines zones internationales ne date pas d’hier. Mais jusqu’à récemment, le pays tenait encore debout grâce au rêve américain et à son soft power, véhiculé avec brio par l’industrie hollywoodienne. Une industrie capable de faire rêver les enfants du monde entier, dont moi-même, petite fille née en 1995 en Afrique de l’Ouest. J’ai grandi en regardant Les Feux de l’amour (Young & The Restless)et en écoutant Big Pimpin’ de Jay-Z, sans même en comprendre les paroles, mais fascinée. Je vivais dans un monde où il semblait normal — valorisant — de tout savoir sur l’Amérique la Grande, alors même que les Américains ignoraient tout de nous.
L’hégémonie culturelle américaine a longtemps été subtile, habile, puissante. Rien à voir avec la propagande grossière que diffuse aujourd’hui la Russie, notamment en Afrique. Pourtant, cette dernière fonctionne, alimentée par le désespoir d’une jeunesse pauvre, souvent analphabète, délaissée par ses élites.
Mais je m’égare.
« Le roi est mort, vive le roi ! »
Cette expression illustre parfaitement, à mes yeux, l’effondrement intérieur de l’empire américain et l’émergence de ses rivaux : la Russie de Poutine (notamment en Afrique ) et surtout la Chine de Xi Jinping, présente sur tous les fronts. Le rapprochement historique entre la Chine, le Japon et la Corée du Sud symbolise à lui seul le basculement du centre de gravité mondial. Face à l’instabilité créée par Trump, Pékin s’impose comme un partenaire fiable, stratège et patient.
Mais lorsqu’un roi meurt, une foule de questions s’imposent : Qui prendra sa place ? Quel avenir pour le peuple ? Les réformes à venir seront-elles salvatrices ou destructrices ? Ce sont là des interrogations légitimes et cruciales que les peuples africains, et surtout leurs dirigeants, doivent se poser s’ils veulent enfin sortir de l’inertie dans laquelle ils se complaisent.
Il ne s’agit pas de se jeter dans les bras d’un nouveau maître. Il ne s’agit pas de remplacer un oppresseur par un autre. Il s’agit de comprendre que l’histoire nous offre une opportunité rare : celle de tracer un chemin inédit, hors des sentiers battus de la colonisation et du néocolonialisme. D’autres pays, eux, n’ont pas hésité à rompre avec le trumpisme. Comme le démontre les élections de Mark Carney au Canada, Anthony Albanese en Australie, ou encore Nicușor Dan en Roumanie. Autant de dirigeants qui, chacun à leur manière, incarnent un rejet clair des dérives populistes.
Soyons honnêtes : oui, les discours d’extrême droite séduisent, notamment chez de nombreux jeunes hommes. Mais les forces progressistes œuvrent, elles aussi, sans relâche. Malheureusement, leurs échos sont encore faibles en Afrique, faute d’infrastructures éducatives et numériques solides. Ce retard est d’autant plus préoccupant à l’heure où l’intelligence artificielle redéfinit les rapports de force mondiaux.
Les États-Unis, autrefois champions autoproclamés du monde libre, ont eux-mêmes sabordé leur image. Le 6 janvier 2021, l’assaut du Capitole a marqué un tournant : le déni des résultats électoraux, la remise en cause de l’état de droit, les attaques contre le pouvoir judiciaire, les reculs sur les droits des femmes… Le monde a assisté, stupéfait, à la chute de l’exemplarité démocratique américaine.
Pendant que la planète observait avec effroi, les partisans de Trump, eux, continuaient de l’ériger en sauveur. Rien ne semble pouvoir ébranler leur foi.
« Le roi est mort, vive le roi. »
Ceci est un rappel : Les États n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts, et des alliés de circonstance. L’heure est venue de faire un choix. Une nouvelle voie s’ouvre. Pour le meilleur… ou pour le pire.
À bientôt, et prenez soin de vous jusqu’au prochain article.
Bien à vous, MalyneViMuse !
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